En hommage à Alexander Vedernikov, mort des suites d’une infection au Covid-19 le 29 octobre dernier, le NHK Tokyo met en ligne deux concerts de 2018 sur Youtube.
Le Covid-19 tue principalement des personnes âgées ou à fortes comorbidités, mais il aura eu raison en quelques jours de l’un des meilleurs chefs de sa génération, mort à seulement 56 ans.
Alexander Vedernikov n’en avait que 37 lorsqu’il devint directeur musical du Bolchoï en 2001, un poste lâché d’un seul coup huit ans plus tard lors d’une tournée à Milan. Devenu par la suite directeur musical de l’Orchestre symphonique d’Odense, puis plus récemment de l’Opéra Royal du Danemark, l’homme avec qui nous avions eu la chance de nous entretenir en 2018 lors du Concours Svetlanov à Radio France était un artiste passionnant, grand amoureux de musique russe, notamment de Glinka, qu’il n’avait pas encore réussi à proposer à son nouveau poste, ni au Deutsche Oper Berlin avec lequel il collaborait de plus en plus, et où il devait reprendre Les Huguenots de Meyerbeer cette saison. Chef curieux au répertoire complet, qui réussissait à maintenir la tension tout au long d’un opéra de Puccini comme à s’atteler avec brio au répertoire moderne, il était aussi l’un des artistes les plus marqué par la grande tradition russe, bien plus que les nombreux chefs russes reconnus aujourd’hui en occident, de Sokhiev à Jurowski et autres Petrenko. C’est donc tout naturellement qu’il pouvait proposer des programmes intégralement slaves lorsqu’il était invité à Tokyo, comme en témoignent ces deux concerts mis en ligne depuis le 1er novembre par le NHK sur Youtube.
Le premier, du 21 octobre, associe deux grands classiques du répertoire, le Concerto pour violoncelle de Dvořák, avec en soliste un habitué de l’œuvre, Alexander Kniazev, et en seconde partie la Pathétique de Tchaïkovski, l’un des ouvrages les plus puissants jamais composés, à l’aune de la mort – cette dernière vidéo était la seule déjà disponible depuis deux ans sur la plateforme en ligne. Ce que l’on y voit : un homme au profil russe, aux manières simples, cheveux gominés, n’hésitant pas à grimacer ou à lever les yeux au ciel avant de se lancer, comme s’il se demandait pourquoi il s’est embarqué dans cette galère… On remarque aussi très vite les moyens tournés exclusivement vers les musiciens, sans jamais chercher à réaliser de beaux gestes, avec baguette et partition pour le concerto tchèque, puis sans, à la russe, pour la symphonie. L’orchestre a beau être japonais, il sonne immédiatement slave sous cette direction, marque de l’acidité aux cuivres et de la rondeur au cordes graves, notamment dans l’ultime symphonie de Tchaïkovski, superbe de puissance, et pour laquelle Vedernikov parvient à maintenir le silence entre les deux derniers mouvements, sans pour autant dénaturer le début du Finale en le reprenant trop rapidement.
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